Une femme certainement d’une soixantaine d’années qui vous accueille à l’entrée de son bureau, vous propose de vous asseoir et s’assied. Elle n’est pas grande, mince. Ses cheveux sont coupés au carré et teints en blond, le visage est plutôt triangulaire avec des grands yeux bruns légèrement maquillés. Elle porte des lunettes carrées avec une monture dorée assez fine. Le bas du visage est masqué. Elle est habillée avec des «richelieu » vernies, un pantalon noir avec des très fines rayures dorées, un chemisier blanc que l’on voit à peine et une veste noire sans boutons avec sur chaque manche deux lignes blanches et une très grosse broche faite de brillants en forme de fleurs sur le revers de cette veste. Elle a devant elle des livres, des cahiers, des stylos. On parle avec elle, on lui explique quelque chose, elle prend des notes et on se demande ce qu’il manque. Quelque chose manque mais on ne sait pas quoi. Ce n’est que tardivement qu’on se rend compte que sur son bureau, il n’y a pas d’ordinateur. On a tellement l’habitude de voir des ordinateurs sur les bureaux des médecins, des banquiers, dans les administrations, dans tous les secrétariats, que voir cette avocate sans ordinateur nous sidère. On le lui dit. Elle répond qu’elle en a jamais voulu, qu’elle a commencé sa carrière comme ça. Sa réponse provoque presque une forme de malaise, comme si elle n’avait pas voulu voir le temps passer. Comme si elle était figée dans un temps suspendu pendant les quarante dernières années. Une paralysie presque glaçante.