Un homme dans un magasin de spécialités italiennes. Il est derrière la grande vitrine où s’amoncellent les fromages, les pâtes fraiches, la charcuterie, les plats cuisinés. Il sert les clients. Il est très brun, il ne doit pas être très grand et semble plutôt mince. Son visage est long, avec un grand front et un menton allongé, les cheveux sont coupés courts, le nez est aussi dans ce mouvement tout en longueur du visage et la bouche est petite. Il porte un tablier blanc qui s’enfile complètement et lui fait une large veste qui est ouverte sur un pull marron. Il vous accueille très aimablement, presque un peu trop. Vous vous rendez compte que, contrairement à son collègue, contrairement à vous, il ne porte pas de masque. Il voit votre hésitation, il se redresse fièrement et esquisse à peine un sourire entre le triomphe et l’ironie. Il vous sert avec toujours une lueur dans les yeux qui serait presque du défi s’il n’avait pas besoin aussi d’avoir des clients. On se rappelle que la dernière fois qu’on est venu, il y a plusieurs mois, on lui avait demandé pourquoi il ne portait pas de masque et il avait répondu que lui, il n’était pas malade. Comme si de porter ce masque était en quelque sorte une marque d’infamie, de possible maladie et de ne pas le porter une preuve de bonne santé. Entre bêtise et fanfaronnade, le monde à l’envers. Et pourtant, on est là, à penser à l’Italie si proche avec tendresse.