Les urgences d’une clinique du centre ville. Il n’y a pas grand monde, on sent un certain calme. A l’intérieur même du service, passé les doubles portes, un homme est assis, il est perfusé. Il a une trentaine d’années, il est en habits de sport. Le médecin demande qu’une infirmière vienne pour lui enlever sa perfusion. Il lui explique poliment qu’il pourra ensuite s’en aller mais qu’il doit aller voir son médecin traitant. A peine deux minutes après, le médecin se tourne vers l’homme et voit qu’il y a un autre homme, un peu plus jeune, avec lui, qui lui parle. Ce nouveau venu porte un masque mais sous son nez. Le médecin lui dit « Monsieur, nous ne pouvons accepter d’accompagnant au sein du service des urgences, voulez-vous bien sortir et attendre votre ami dans la salle d’attente et mettre correctement votre masque ? ». L’homme le regarde avec agressivité et ne bouge pas, soulevant le menton à plusieurs reprises dans un geste entre le défi et la menace. Le médecin répète fermement et réexplique que personne ne peut être accompagné. L’homme, en murmurant agressivement, se déplace vers les doubles portes mais reste dans le service. Le médecin revient et lui dit que son ami va sortir et qu’il lui demande de sortir du service, une fois de plus. L’homme finit par sortir en reculant mais en l’insultant de manière extrêmement grossière et violente. On ne comprend pas. Le médecin nous dit que c’est comme ça tous les jours, pourtant on sent qu’il est atteint. L’homme qu’il a soigné n’a rien dit pour calmer son ami et même sourit. On est abasourdie par cette violence. Pourquoi ce refus de sortir comme tous ? De mettre son masque ? Est-ce que c’était juste parce qu’il ne pouvait supporter d’avoir le sentiment d’obéir à ce qui lui semble une autorité, un médecin ? On est épouvantée de ce que cela révèle d’incompréhension, de ressentiment, de violence diffuse. L’infirmière enlève la perfusion, l’homme se lève, le médecin toujours calme lui tend ses papiers et lui redit poliment qu’il doit aller voir un médecin. L’homme part, il n’a pas dit un mot.