un jour, une description

5 novembre 2020

Une voix amie au téléphone. Vous ne vous connaissez pas depuis longtemps, vous vous êtes rencontrées dans votre milieu professionnel commun et vous avez tout de suite sympathisé. Peu à peu vous êtes devenues alliées, puis copines et enfin amies. Vous ne travaillez plus ensemble mais vous continuez à vous appeler de temps en temps. A peine les premiers mots banals échangés, elle commence à parler à toute vitesse sans reprendre son souffle et vous assomme de récits détaillés de son quotidien de travail qui a été le vôtre, mais qui ne l’est plus. Vous avez du mal à suivre mais vous essayez vaillamment. Elle raconte les luttes autour de son poste et de ses fonctions dont elle doit bien avouer que cela ne va pas si bien. Vous vous rendez compte que toutes ses phrases commencent par « comme je l’avais dit ». Elle est sans cesse en train d’essayer d’affirmer à tout prix qu’elle avait prévu, anticipé, annoncé, qu’elle n’a pas été écoutée, qu’elle savait. Quand elle se met à parler de tout cela et de plus en plus vite, sans que vous ne disiez un mot, sa voix déjà très aigüe, monte encore. Vous avez le sentiment qu’elle s’énerve toute seule comme si votre présence muette l’obligeait à se justifier alors que vous ne lui demandez rien sinon comment elle va. Justement. Vous vous apercevez qu’elle n’a pas dit un mot d’elle en réalité. De ce que vous savez de sa solitude. Elle parle, elle meuble, elle joue la montre, pour ne pas vous répondre, pour ne pas dire. Pour elle, ce serait comme un aveu, et elle ne veut pas. Vous êtes inquiète.