Dans un port d’une petite ville du Sud de la France, il y a au moins dix voiliers quasiment alignés sur un quai. Il fait mauvais, le mistral souffle et aucun bateau n’a pu sortir en mer. Dans l’après-midi, peu à peu, on s’aperçoit que sur chaque voilier, il y a un homme. Ils sont tous de la même génération, entre cinquante et soixante ans, plutôt bien bâtis et costauds. Ils sont habillés d’un bermuda blanc ou en jean, d’un tee-shirt rayé, de chaussures de bateau ou de sandales Méphisto, tous quasi identiques. Chacun déplie, nettoie, plie, range, nettoie, soude, hisse, affale, protège, remplit, graisse, peint, vernit, ponce, colmate, colle, dessale, lime, découpe, dénoue, noue, bricole avec un plaisir et une joie perceptible. Certains parlent entre eux de bateau à bateau, rigolent, deux boivent un café ensemble. Ils forment ensemble un ballet mécanique dont même les écarts semblent faire partie d’une chorégraphie répétée. On se pose quand même une question: pourquoi n’y a t-il aucune femme ? Les leurs, certaines à qui appartiendrait aussi un bateau, où sont-elles ? Brutalement, cette fraternité des gestes et de la mer devient inquiétante.