Un cabinet médical. Malgré les restrictions sanitaires, la salle d’attente est pleine. On se sent mal à l’aise sans pouvoir nommer pourquoi. On regarde les autres personnes qui attendent et on se sent une intruse. Peu à peu, on se rend compte qu’on est la seule femme à l’exception des secrétaires médicales. Tous les autres patients sont des hommes de plus de 65 ans et certains sont beaucoup plus âgés. C’est un cabinet d’urologie, on pense « prostate ». Ils le pensent tous aussi, ils savent tous qu’ils sont là pour cela, mais tant qu’ils étaient entre eux, cela allait. Avec notre irruption féminine, d’un coup, c’est comme si leur souci devenait public et honteux. Une atteinte à leur virilité qui serait dévoilée à une femme. A notre arrivée, deux hommes se parlaient, ils ont immédiatement cessé. Le silence s’installe, chacun est dans son téléphone, les médecins, tous des hommes aussi, viennent chercher leur patient et même eux vous jettent un regard surpris. Une jeune femme arrive avec un petit garçon de sept ans environ. Il s’assied sur les genoux de sa mère et lui demande ce que va lui faire le docteur. Elle lui explique qu’il va l’examiner sans lui faire mal, que ce docteur a l’habitude. Elle lui demande :« Tu sais pourquoi on est ici ? Chez ce docteur ? », il lui répond très sérieusement et sans aucune gêne : « Pour mon pipi ». Il précise :« Parce que je fais pipi au lit ». On sent aux sourires qu’il y a presque comme un soulagement d’entendre cet enfant parler si directement, si spontanément et à voix haute de ses soucis. La tension se dénoue un peu. Sa tranquillité, sans honte, nous a fait du bien. A tous.