un jour, une description

16 avril 2021

Ce sont deux hommes qui traversent la rue. Ils doivent avoir autour de soixante-dix ans. Ils ont à peu près la même taille, moyenne, l’un se tient un peu voûté, l’autre très droit. L’un est habillé avec un pantalon en velours côtelé sombre et un blouson de cuir brun fermé, l’autre avec un jean et une doudoune courte grise. Tous les deux ont les mêmes chaussures de type « Méphisto » aux pieds. Ils portent tous les deux des masques blancs. Ils sont presque chauves mais avec encore quelques cheveux très courts, gris. Ils parlent en marchant, l’un à les mains dans les poches, l’autre fait des grands gestes. Ils sortent d’une petite rue et s’engagent sur le passage piéton devant eux pour traverser un grand boulevard à double sens. Ils ne regardent ni l’un ni l’autre s’il y a des voitures, continuent de se parler et avancent comme s’il n’y avait aucun danger. Ils traversent, ils sont sur un passage piéton, ils sont dans leur droit, les voitures doivent s’arrêter. Elles s’arrêtent. On sent dans leur posture, et dans une petite raideur au moment de s’engager dans la chaussée, qu’ils sont parfaitement conscients de ce qu’ils font mais qu’ils veulent absolument faire ce qu’ils ont le droit de faire. Ils n’auront ni l’un ni l’autre jamais jeté un coup d’œil à gauche puis à droite, ils marchent comme s’ils étaient sur un trottoir. Quand ils sont de l’autre côté du boulevard, ils sourient et poursuivent leur marche à pas vifs. On les entend presque commenter leur action et fanfaronner un peu. Comme une petite victoire.