On est assise à une table sur la terrasse de toit d’un immeuble face à un autre immeuble. La rue est étroite alors les toits sont proches. Il est dix-neuf heures. On voit une fenêtre de toit s’ouvrir, et un, deux, trois, jusqu’à sept jeunes gens en sortir grâce à une échelle et aller s’installer sur le faîte du toit, les jambes le long des tuiles. Ils sont bien alignés, ils ne bougent pas trop ou avec prudence, la plupart ont une canette de bière à la main ou leur téléphone portable. Ils sont tous habillés dans des couleurs assez sobres, deux ont des chapeaux. Il semble qu’il y ait quatre filles et deux garçons. Une fois assis, ils sont face à nous et sont surpris de nous voir. On les salue de la main, en montrant notre thé, ils nous saluent bruyamment avec leur bière. Ils ont l’air parfaitement tranquilles. Ils parlent, rient, boivent, se font passer un sac de chips, se font écouter de la musique, se font voir quelque chose sur leur portable, se montrent le soleil couchant sur la chaîne des Puys. C’est la manière qu’ils ont trouvé pour rester ensemble après le couvre-feu, mais en plein air. On trouve cela malin. Rassurant et drôle. Comme une forme de vie à eux malgré tout, sans s’enfermer. D’un coup, leur geste nous parle de liberté et de légèreté. On imagine tous les jeunes gens de cette ville universitaire, alignés sur les faîtes des toits. Comme des moineaux. Ils nous ont fait beaucoup de bien.