On est dans un taxi, ou plutôt , un « uber ». La course va être longue, on va à l’aéroport le plus éloigné de la grande ville. Le chauffeur n’est pas jeune, il a au moins une cinquantaine d’années, quand il est sorti pour mettre notre valise dans le coffre, on a remarqué qu’il était petit et lourd, pas gros mais épais. Il décide de prendre un itinéraire qui nous surprend et dont on sait qu’il risque d’être embouteillé, il nous explique qu’il est le roi des itinéraires, qu’il y a des manifestations et qu’il sait ce qu’il fait. Il le fait poliment mais avec condescendance, on pense d’abord qu’il croit qu’on ne connait pas Paris et puis on comprend que c’est parce qu’on est une femme. Evidemment, on se retrouve dans des bouchons et il commence à s’énerver contre une voiture qui roule assez lentement et finit par dire « ça, c’est ou un arabe ou un noir ». On lui demande pourquoi il tient ses propos racistes, il est surpris par notre réaction sérieuse, et bredouille « que c’est vrai quoi, soit c’est eux et soit c’est une femme ». On lui répond que c’est de mieux en mieux et on le prie de se taire. Un quart d’heure après, il recommence dans les mêmes termes, juste en riant un peu, et en disant « je plaisante ». On lui redit qu’on ne plaisante pas, que ses propos sont insupportables et on lui fait comprendre qu’on va les signaler à la plate-forme s’il continue. Il est stupéfait. Même pas en colère, stupéfait. Il ne comprend pas notre fermeté. Tout le long du parcours, il essaiera de nouer une complicité avec nous. On est polie mais on refuse tout rire, toute connivence. On quitte la voiture soulagée. Attristée, aussi.