Une dame d’une soixantaine d’année est assise sur le rebord d’une fontaine au centre d’une place. C’est une belle place du quartier chic sur la presqu’île d’une grande ville. Les bâtiments autour sont beaux, la fontaine ancienne coule. Quand on est assis, on n’entend presque pas le bruit de la ville, seulement le bruit de l’eau. Elle a devant elle un panier à courses à roulettes gris, elle porte une longue doudoune rouge, un pantalon noir et des baskets noires élargies et affaissées. Elle a un visage rond et rouge, comme gonflé, ce qui est accentué par ses cheveux très courts, gris. Quand on la voit on pense à quelqu’un de malade. On pense à l’alcool aussi. Ses yeux sont comme enfoncés dans la chair. Ce qui est étonnant est qu’elle a des sourcils très épilés, dessinés, qui partent de chaque côté en une ligne fine qui descend sur les tempes. Comme une coquetterie qui serait restée. Elle semble assise très lourdement et on voit que ses jambes sont enflées. On a le sentiment qu’elle ne peut plus se relever. Quand on repasse une bonne heure plus tard, elle est toujours là et elle nous fait coucou de la main. On ne sait si elle attend quelqu’un, si elle se repose, ou si elle passe ses journées là, au soleil, à écouter l’eau. Ou si elle n’a nulle part où aller.