un jour, une description

15 février 2021

Il est 17 heures et 47 minutes. On entend des pas de courses qui descendent dans la toute petite rue qui borde notre maison. On ne peut pas voir qui court mais chaque soir entre 17h47 et 17h50, on entend le même pas, à la même heure. Il est très reconnaissable car il est lourd malgré la course, et on sent que le coureur ou la coureuse cherche à se ralentir dans la pente. Cela produit un bruit à la fois mat et claquant très particulier. On se surprend certains soirs à l’attendre, guettant parmi tous ceux qui prennent ce petit raccourci en voiture, en scooter ou à pied. Contrairement aux autres coureurs, on n’entend pas son souffle, juste le pas. On se demande comment quelqu’un peut courir avec cette précision pour passer aux mêmes endroits, à la même heure, à cinq minutes près. On comprend le pourquoi de cette précision car dix minutes après le couvre-feu commence et on pense que cette personne doit habiter tout près. On imagine aussi que ce coureur ou cette coureuse n’est pas du tout un sportif qui fait du jogging mais quelqu’un qui descend en courant à toute vitesse la pente pour arriver à temps chez elle. Quand on entend sa course, on pense aux grandes courses de l’enfance quand on se laissait happer par une pente en se faisant peur, en essayant de ralentir à tous prix et en s’arrêtant en bas comme on peut, essoufflée, apeurée et contente.