un jour, une description

19 janvier 2021

Une voix d’homme au téléphone. On ne pourrait pas dire que c’est une voix amie mais c’est quelqu’un que vous connaissez bien et que vous avez rencontré souvent dans le cadre professionnel. Il s’agit à nouveau d’un échange dans le cadre du travail mais à titre amical. Vous vous donnez des nouvelles, et puis commencez à échanger sur les questions qui vous ont amenées à nous appeler. Comme ces questions sont délicates et que vous ne pouvez pas le voir, guetter les expressions de son visage, vous êtes obligées d’être très attentives à la moindre hésitation, au plus imperceptible changement de ton, au plus court silence, tout ce qui peut amener à une variation dans le débit de sa voix. Elle est plutôt douce, monocorde, un peu nasale et calme. Vous avez pu le côtoyer dans des réunions très tendues et jamais il n’a haussé le ton et, de la même façon, dans les quelques moments gais que vous avez partagés, sa voix est restée égale. Il sait que vous guettez les moindres variations. Il en joue. Ne pouvant répondre directement aux questions que vous lui posez, les seuls moyens qu’il a pour que vous compreniez ce qu’il pense sans sortir de son devoir de réserve, c’est justement ces courtes pauses, fausses hésitations, petits silences qu’il fait volontairement et que vous devez décrypter. Cela provoque une tension étrange, non pas entre vous, mais chez chacun d’entre vous, dans la recherche de la maîtrise d’une sorte de langage commun qui tient aux non-dits, à ce qui manque, à ce qui hésite, à ce qui balbutie. A ce qui vient entraver. On se dit qu’il doit le plus souvent faire cela et que ce doit être épuisant de ne jamais pouvoir dire. Ou de dire mais sans parler.