Une dame âgée, seule, à la table du restaurant d’un modeste hôtel près de l’océan. Elle a un chignon gris joliment tourné, un gilet rose, un pantalon noir, brillant, avec des lacets qui le ferme à chaque cheville et des baskets dorées. On comprend que c’est une cliente de l’hôtel, qu’elle est en demi-pension et qu’elle prend là son repas tous les soirs car elle demande « alors, qu’est-ce qu’il y a ce soir ? » d’un ton enjoué. Les deux patrons sont très attentionnés avec elle et l’appelle «princesse». On voit qu’elle fait très attention de se tenir droite mais, quand elle doit découper son poisson, ses mains tremblent beaucoup, ça l’agace mais elle ne demande pas d’aide. Le lendemain, on la croise au petit déjeuner et le patron lui demande si «princesse» veut bien accepter son aide pour porter sa valise. Elle accepte car elle descend les escaliers difficilement. Elle va prendre un taxi pour aller jusqu’à la gare et rentrer chez elle après sa semaine de vacances. On pressent qu’elle vient tous les ans depuis très longtemps, qu’elle n’y est peut-être pas toujours venue seule. Elle part avec ses baskets dorées qui brillent dans le petit soleil de septembre et sa vaillante silhouette semble d’un coup minuscule.