un jour, une description, les recommencées

21 octobre 2020

L’homme a une cinquantaine d’années. Il est assis à la table commune sur la petite terrasse. Il travaille avant son cours. Il écrit au stylo-bille noir sur des feuilles de papier blanc avec une telle force que le papier s’en déchire presque. Il se relit et souligne avec plus de force encore certains passages, plonge dans la liasse de papiers déjà écrits devant lui, cherche, trouve un élément, le lit, reprend le fil de son texte. Autour de lui, un cendrier avec une cigarette qui fume, un vieil ordinateur portable fermé, trois livres cornés, annotés avec des marques-pages qui dépassent, des dossiers verts et roses remplis de feuilles écrites, des documents administratifs, un mug de café, son téléphone, un volumineux sac à dos de montagne, un blouson de cuir et un billet de train fripé. Il est complètement pris dans le travail mais répond aux saluts de ceux qui passent devant lui. D’un coup, il se rend compte qu’il doit aller faire cours et il regarde désarçonné tout le bazar autour de lui qu’il entreprend rapidement de ranger. Il fait tomber ses feuilles et les mélangent. On le voit alors à genoux en train de les reclasser, toutes les feuilles étalées formant un tapis écrit qui menace de s’envoler et cela le fait rire. Comme s’il savait que sa maladresse brouillonne mettait en péril le travail accompli mais qu’il ne pouvait faire autrement, que cette mise en danger faisait partie du processus pour pouvoir ensuite se mettre face à l’amphithéâtre plein et créer un monde commun, un « en-commun », avec les étudiants fragiles et inquiets devant la pensée déployée. 

Un jour, une description, 18 juin