un jour, une description

11 novembre 2020

C’est d’abord un bruit. On ne l’entend que la journée, il est assez proche derrière la première rangée d’arbres. Au début, quand on est arrivée, on n’y a pas prêté attention puis quand on a cherché ce que ça pouvait être, on a vite compris. Poc, poc, poc, poc, poc, parfois pendant très longtemps. On a associé le bruit aux cours de tennis universitaires en contrebas. On a pris l’habitude d’écouter. On arrive maintenant à faire la différence entre les entraînements et les matchs. Lors des entraînements, les échanges sont très longs, parfois nous semblent infinis. Alors que lors de matchs, les échanges sont courts et ponctués de cris ; des cris d’efforts, des cris de dépits, des injures, des exclamations arrivent jusqu’à nous comme une manière d’humaniser le tempo abstrait du poc. On finit par reconnaître certains joueurs réguliers. Il y a une jeune femme qui pousse un grand cri à chaque coup que l’on a surnommée Monica Seles, il y a un homme qui chaque fois qu’il perd un point lance un tonitruant “et, merde”, il y a deux hommes qui jouent souvent l’un contre l’autre et qui se parlent, qui rient, il y a un jeune homme qui dit “oh, non”  en appuyant longuement sur le on et tous les cris de joie quand ils gagnent. Et puis il y a l’entraîneur, on l’entend peu mais parfois, il dit “mais, non” sonore et sec. On entend parfois même, quand le vent est favorable, la différence entre les coups suivant comment est frappée la balle. Savoir la présence des joueurs que l’on imagine courant, suant, à deux pas de nous, nous suffit. On n’a jamais eu envie d’aller voir, on préfère rester dans la distance avec le bruit comme un métronome qui scande doucement nos journées.